Publié par : Lynda Dumais | 20 mai 2012

Bruit

Malheureusement, cela ne se terminera pas par l’imposition d’une loi. Le dialogue de sourds se poursuivra et continuera vraisemblablement à s’exprimer dans l’exaspération des parties prenantes. Si elles arrivent à s’organiser dans le cadre de la loi, les parades nocturnes bruyantes défileront encore sous ma fenêtre. J’en viens à penser que les rues de mon quadrilatère font partie d’un répertoire cartographique volontairement limité et restrictif … que la sécurité publique doit commencer à connaître par cœur.

D’entrée de jeu, je suis une « infâme » baby-boomer, étudiante de troisième cycle, enseignante, citoyenne cynique qui ne manque cependant aucune occasion d’aller voter et enfin travailleuse par passion et pour ajouter aux prêts et bourses dont je bénéficie parce que j’y suis éligible. Je crois dans la démocratie, dans celle qui passe par les urnes de façon périodique. J’accepte la décision de la majorité et ai autre chose à faire que de remettre en cause les institutions entre les élections. Je me dis que si je souhaite changer la donne politique, j’ai une occasion de le faire régulièrement et que je peux aussi m’impliquer plus activement en usant de leadership pour mobiliser les gens à mon opinion. Mais je ne le fais pas. Je demeure relativement silencieuse.

Concrètement, je suis pour la hausse des droits de scolarité et pour une réflexion sur la connaissance et l’accès à celle-ci. Je suis aussi TRÈS méfiante du discours politique, quel que soit celui qui le livre, le parti qui l’anime, le groupe de référence et l’âge du porte-parole. J’éprouve néanmoins une certaine admiration pour les jeunes leaders étudiants. Cependant, je ne voterai probablement jamais pour eux quand, à l’instar de leurs prédécesseurs, ils se rangeront dans un establishment bureaucratique, politique, culturel, syndical, économique ou autre. En ce sens, j’aime à préserver mon droit à la dissidence … personnelle, calme et équilibrée.

Dans les années 70, j’étais dans les rues pour les batailles sur la langue. J’ai été nationaliste et c’est dans ce positionnement que je suis devenue cynique, tant face à la classe politique qu’aux acteurs qui se réclament des droits et libertés sans parler des responsabilités qui en découlent. J’étais aussi à Tiananmen en 1989 et ai admiré le courage des étudiants à mettre de l’avant des idéaux sociaux bien plus grands qu’eux-mêmes. Cette fois pourtant, je reste un peu froide aux revendications de 30 % de nos étudiants. Quelqu’un me dit que le discours dépasse ce que j’entends et retiens de ces derniers mois. Mais le mal est fait, je ne garde en mémoire qu’un vocabulaire économique pouvant facilement être remplacé par un signe de dollar : gel ou gratuité scolaire; moratoire des frais de scolarité; étalement de l’augmentation des frais de scolarité; accessibilité aux prêts et bourses; augmentation du montant des bourses; diminution des frais afférents; remboursement des prêts; retrait des primes et salaires des recteurs; financement syndical des associations étudiantes; construction de campus périphériques.

Je ne crois pas que l’accessibilité aux études soit en cause. La décision d’étudier implique néanmoins des choix, voire des sacrifices personnels. Pour moi, l’enjeu est plus grand que celui décrit dans le discours partisan et médiatique. Si j’ai de l’énergie à investir ce sera dans la motivation des étudiants au-delà de l’emploi potentiel en fin de parcours et des artifices de consommation en attendant. Je voudrais parler de la qualité des enseignements et des travaux d’étudiants, de l’engagement personnel, de la quête de connaissance et sa dissémination, de la soif d’apprendre et de la passion des ailleurs à découvrir. Vivement la fin du bruit qui nous engage dans la spirale de la performance et des retombées économiques. Je rêve aujourd’hui comme je rêvais hier. Laissez-moi la tranquillité pour faire ce que je sais faire de mieux. À tout le moins, changez l’itinéraire et l’horaire de vos promenades nocturnes. Elles m’agressent et me désolent depuis bientôt trente jours.


Réponses

  1. […] que je le pensais à l’époque, le bruit ne s’est pas terminé par l’imposition d’une loi. Le bruit, encore heureusement […]


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