Il y aura bientôt 19 ans que je suis rentrée de mon premier séjour en Chine. C’était après les événements de Tiananmen en 1989. Un reportage de RDI hier soir m’a rappelé ce moment là. J’étais à Beijing en mai de cette année là lors de la déclaration de la loi martiale et à nouveau le 3 juin, la veille de ce qui allait devenir une bien triste histoire. Mais revenons un peu en arrière, question de raconter celle qui m’accompagne probablement depuis dans chacun de mes pas sur la Chine.
Avec Emma, une amie sino-canadienne, j’étais dans la capitale pour donner une conférence sur le Québec, à des étudiants francophiles se préparant à venir y étudier. En fin d’après-midi, nous avons quitté l’École normale de Beijing pour la gare mais n’avons pu nous empêcher d’aller souper dans le resto italien d’un hôtel avant de prendre le train pour Tianjin. Il faut comprendre que Tianjin à l’époque n’avait rien à voir avec la ville d’aujourd’hui; la bouffe italienne (même les Pizza Hut) y était impossible à trouver. Alors, ce soir là, pâtes et vin aidant … nous avons manqué notre train et avons décidé d’aller sur Tiananmen voir les étudiants de l’Université de Nankai, notre université d’attache à Tianjin.
L’atmosphère à Beijing était un mélange de célébration, de renouveau et de tension; il était impossible d’y résister d’autant qu’avec le recul, j’admets que nous ne comprenions pas toujours tous les enjeux en cause, faute d’information et de recul. Sur Tiananmen, les étudiants de Nankai nous ont invitées à entrer à l’intérieur de leur tente. Un flot de paroles (en mandarin) a émergé. Emma ne comprenait pas et, comme dans plusieurs voyages que nous avions faits ensemble, je traduisais … enfin, ce que moi-même j’arrivais à comprendre. Une question des étudiants me reviendra toujours en mémoire : « devrions-nous quitter Tiananmen ? » Et, ne sachant pas ce qu’ils savaient, je me souviens leur avoir dit que mon opinion n’avait que peu d’importance parce que, pour moi, les enjeux n’étaient pas les mêmes; je pouvais facilement quitter le pays alors qu’eux devraient rester, quoi qu’il arrive.
Nous sommes sorties de la tente et j’ai voulu prendre une photographie de l’immense « Statue de la liberté » fabriquée par des étudiants et bien en vue sur la Place. La suite m’échappe un peu. Des gens m’ont saisie et élevée sur un véhicule et ont fait cercle autour de moi; plusieurs se sont mis à compter en m’indiquant de prendre ma photographie en même temps qu’eux activeraient leur « flash ». « Rapportez cette photographie chez vous pour montrer ce que nous faisons » m’ont-ils dit. Ce fut la dernière photographie que je prendrais en Chine cette année là. Elle est ci-dessous.
Je suis finalement rentrée seule à Tianjin. Emma est restée pour la fin de semaine et elle n’est jamais revenue à Nankai; l’ambassade canadienne a évacué les Canadiens à Beijing le mercredi suivant. Le matin du 3 juin, il n’a pas été facile de me rendre à la gare. L’agitation dans les rues était grande; j’étais dans le nord-ouest et je crois comprendre que les armées qui ont déferlé sur Tiananmen sont rentrées par là. Mais, honnêtement, mon niveau de mandarin n’était pas suffisant pour saisir ce qui se passait vraiment. Et puis, j’avais la responsabilité d’une douzaine d’étudiants de l’UDM à Tianjin et je devais rentrer.
Le matin du 4 juin, j’ai écouté BBC et Voice of America pour finalement apprendre la nouvelle. J’étais loin de Beijing et de l’agitation, mais la semaine qui venait n’allait pas être facile, justement parce que nous n’y étions pas. Nous avions manqué l’avion nolisé par l’ambassade pour sortir les Canadiens de Chine. Mais il s’agit là d’une autre histoire, laquelle je vous raconterai peut-être un jour…
Pour ceux que le sujet intéresse, voir ci-joint une interprétation personnelle des Événements de Tiananmen récemment présentée à l’Université de Sherbrooke
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